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Compliance Gouvernance Juridique

Votre risque : comme les virus, il est mutant

Par Blandine CORDIER-PALASSE, Revue ESCP – 02/2016

Comment les dirigeants d’entreprises perçoivent le rôle du département juridique : stratégique et amplifié dans un monde de plus en plus connecté constate Blandine Cordier-Palasse, Présidente de BCP Executive search, ex directeur juridique et secrétaire générale de groupes cotés.

Il y a 20/30 ans, toutes les écoles de gestion comme l’ESCP avaient intégré dans leur cursus de formation des cours de droit des entreprises (droits civil et pénal) qui préparaient les étudiants à la protection des biens et des personnes. Et pour ma part, après mon doctorat de droit sur le renforcement des fonds propres, j’ai suivi un Mastere Finance pour comprendre le business et la finance.

Les juristes d’entreprise traitaient en grande majorité au quotidien des dossiers d’ordre opérationnels, et des opérations de fusions, acquisitions et cela n’a pas changé. Il y a 15 ans est apparue la notion de charte éthique. L’entreprise voulait s’assurer que sa principale richesse – ses ressources humaines et son management – allaient respecter les valeurs qu’elle s’était choisie.

Aujourd‘hui, le risque semble provenir de l’extérieur et le rôle de la direction juridique a encore évolué, plus stratégique, en anticipation, pragmatique et impliquée dans le business plus près des dirigeants et des opérationnels pour assurer le développement du groupe. Le monde est en mutation permanente et de grandes constantes se dessinent.

Dans cette évolution géopolitique, les Etats Unis ont renforcé leur zone d’influence en s’appuyant sur leur industrie de l’internet et sur le dollar. Ils sont les premiers à avoir mis la puissance de leur appareil sécuritaire au service de leur puissance économique.

On l’a vu avec l’embargo sur l’Iran: toute entreprise qui violait cet embargo encourait des représailles et tombait sous le coup de boycott, voire de sanctions économiques surtout si les transactions avaient
été effectuées en Dollar, considéré comme une extension du territoire américain. Et c’est ainsi que l’on a vu apparaitre dans les groupes internationaux, les multinationales, des équipes de compliance qui ont souvent été rattachées à la direction juridique.

Compte tenu des risques encourus, la Direction Générale de ces groupes a renforcé l’interactivité avec sa Direction Juridique en la sortant du périmètre de la Direction Financière, dont elle dépendait dans la majorité des organigrammes, pour se la rattacher directement. Et le juridique a développé au sein de l’entreprise la « Compliance » avec une nouvelle mission. Assurer le management, le conseil d’administration qu’aucune action commerciale ou financière engagée par l’entreprise n’allait à l’encontre de règles d’embargo édictées par ces Etats, ou ne passait par des intermédiaires figurant sur des listes de pays ou de personnes bannies afin de ne pas être soi-même l’objet de poursuites ou de sanctions pour infraction à ces règles. Et là, on rejoint l’un des risques majeurs mutants que craignent tous les grands acteurs économiques, surtout privés, qui est le risque d’image. Si une entreprise est soupçonnée de travailler, commercer avec un pays sous embargo, une campagne tel un virus peut être déclenchée dans la presse et le nom de l’entreprise malmenée. Les conséquences sur l’image, la crédibilité auprès des clients, des partenaires pouvant être catastrophique. Ainsi aujourd‘hui, les directions juridiques ont-elles ajouté à leur arc une corde supplémentaire qui est de protéger l’image et la réputation du Groupe et de ses dirigeants.