Par Blandine CORDIER-PALASSE, Revue ESCP

Comment les dirigeants d’entreprises perçoivent le rôle du département juridique ? Il est stratégique et amplifié dans un monde de plus en plus connecté constate Blandine Cordier-Palasse. Elle est Présidente de BCP Executive search, ex directeur juridique et secrétaire générale de groupes cotés.

Il y a 20/30 ans, toutes les écoles de gestion comme l’ESCP avaient intégré dans leur cursus de formation des cours de droit des entreprises (droits civil et pénal). Ces cours préparaient notamment les étudiants à la protection des biens et des personnes. Et pour ma part, après mon doctorat de droit sur le renforcement des fonds propres, j’ai suivi un Mastere Finance pour comprendre le business et la finance.

Les juristes d’entreprise traitaient en grande majorité au quotidien des dossiers d’ordre opérationnels. A cela s’ajoutent désormais les opérations de fusions, acquisitions. Cependant, cela n’a pas changé. Il y a 15 ans est notamment apparue la notion de charte éthique. L’entreprise voulait s’assurer que sa principale richesse – ses ressources humaines et son management – allaient respecter les valeurs qu’elle s’était choisie.

Aujourd‘hui, le risque semble dorénavant provenir de l’extérieur. Le rôle de la direction juridique a encore évolué, plus stratégique, en anticipation et pragmatique. Elle est aussi impliquée dans le business plus près des dirigeants et des opérationnels pour assurer le développement du groupe. Le monde est ainsi en mutation permanente et de grandes constantes se dessinent.

Dans cette évolution géopolitique, les Etats Unis ont renforcé leur zone d’influence. Ils s’appuient sur leur industrie de l’internet et sur le dollar. Ils sont les premiers à avoir mis la puissance de leur appareil sécuritaire au service de leur puissance économique.

On l’a vu avec l’embargo sur l’Iran. Toute entreprise qui violait cet embargo encourait des représailles. Elle tombait sous le coup de boycott, voire de sanctions économiques. C’était notamment le cas si les transactions avaient été effectuées en Dollar. Cela se considérait comme une extension du territoire américain. Et c’est ainsi que l’on a vu apparaitre dans les groupes internationaux, les multinationales. Des équipes de compliance se rattachaient souvent à la direction juridique.

Compte tenu des risques encourus, la Direction Générale de ces groupes a renforcé l’interactivité avec sa Direction Juridique. Ils ont décidé de la sortir du périmètre de la Direction Financière. Elle en dépendait dans la majorité des organigrammes, pour se la rattacher directement. Et le juridique a développé au sein de l’entreprise la « Compliance » avec une nouvelle mission. Assurer le management, le conseil d’administration qu’aucune action commerciale ou financière engagée par l’entreprise n’allait à l’encontre de règles d’embargo édictées par ces Etats, ou ne passait par des intermédiaires figurant sur des listes de pays ou de personnes bannies afin de ne pas être soi-même l’objet de poursuites ou de sanctions pour infraction à ces règles.

Et là, on rejoint l’un des risques majeurs mutants que craignent tous les grands acteurs économiques, surtout privés, qui est le risque d’image. Si une entreprise est soupçonnée de travailler, commercer avec un pays sous embargo, une campagne tel un virus peut être déclenchée dans la presse. Par conséquent, le nom de l’entreprise se trouverait malmené. Les conséquences sur l’image, la crédibilité auprès des clients, des partenaires pouvant être catastrophique. Ainsi aujourd‘hui, les directions juridiques ont-elles ajouté à leur arc une corde supplémentaire qui est de protéger l’image et la réputation du Groupe et de ses dirigeants.