Par Blandine CORDIER-PALASSE, Le Monde du Droit – 06/2014

Blandine Cordier-Palasse explique pourquoi elle pense que la lutte contre la corruption constitue un enjeu majeur pour les entreprises.

Loin d’être un enjeu mineur, la lutte contre la corruption et les pratiques litigieuses apparaît de plus en plus cruciale pour les entreprises. Elles se confrontent sinon à des risques majeurs. Ils peuvent avoir un statut financier (l’ampleur des sanctions encourues le souligne régulièrement) ou de réputation. L’actualité récente en la matière concerne BNP Paribas ou Alstom. Elle rappelle avec force aux entreprises françaises l’impérieuse nécessité d’avoir en place un programme de compliance solide.

De fait, les Etats-Unis se dotent d’une familiarité avec des sanctions records pour les entreprises prise en défaut. Il est très largement envisageable de voir cette tendance faire des émules, notamment en Europe.

Jusqu’alors relativement abstraits, les risques sont aujourd’hui quantifiables et ils s’avèrent très lourds. Ces dernières années, Total et Technip ont du s’affranchir d’amendes supérieures à 300 millions de dollars. Les amendes peuvent dépasser désormais la barre du milliard d’euros, voire plus comme le brûlant dossier BNP Paribas le montre. A ce risque financier s’ajoute un risque d’image, de réputation. C’est en mois, voire en année, qu’il faut chiffrer le temps que met une entreprise pour redorer son blason. Celui-ci se trouve marqué du sceau de la suspicion ou de l’opprobre d’une condamnation pour corruption ou pratiques litigieuses.

Par-delà la vague médiatique suscitée par l’ampleur de l’amende envisagée, c’est ce que l’affaire BNP Paribas révèle. C’est aussi l’obligation de résultats demandée aux entreprises. Pris en faute, l’établissement français vient ainsi de se séparer de son responsable de la conformité des réglementations lors des opérations de la banque. A ce dernier s’ajoutent de nombreux collaborateurs impliqués dans les faits incriminés. Il ne faut pas oublier le départ anticipé en retraite de l’un de ses dirigeants. De même, concomitamment à l’annonce d’un éventuel rapprochement entre Alstom et General Electric, des cadres du groupe français étaient arrêtés aux Etats-Unis dans le cadre d’une enquête pour corruption. Pourtant, un programme de compliance existait bel et bien dans ces deux groupes.

Avoir l’apparence de la respectabilité ne dédouane plus de l’obligation de mettre en place un véritable programme de compliance. Ce n’est plus seulement dans les mots mais aussi dans les faits. La compliance ne peut désormais être « cosm’éthique ».

A l’occasion de la semaine de l’intégrité lancée par l’OCDE, les intervenants de la conférence organisée par le Cercle de la Compliance rappelaient à quel point la lutte contre la corruption était active. L’exemple de Panalpina World Transport permet de se rendre compte des moyens mis en oeuvre pour mener à bien les investigations aux Etats-Unis. Plusieurs centaines d’agents du FBI avaient ainsi investi les locaux du siège américain de ce groupe suisse. Ils étaient à la recherche de preuves de cas de corruption. Ils constataient des coûts directs et indirects engendrés pour le groupe. A cela s’ajoutent des moyens que celui-ci a dû mettre en œuvre pour se redresser. Il devait aussi faire du programme de Compliance très solide finalement mis en oeuvre un véritable atout d’image, de réputation et de compétitivité.

Les affaires s’enchainent d’autant plus facilement que combattre ces cas de corruptions, les ententes illégales ou encore les atteintes aux droit de l’homme permet aux gouvernements de marquer des points dans un contexte de concurrence économique mondialisée. Le tout dans un monde qui s’organise face au phénomène, comme aux Etats-Unis, où les autorités judiciaires peuvent compter sur des lanceurs d’alerte, protégés en ce cas de toute poursuite. Cette mesure est propice aux dénonciations. Elle est d’autant plus efficace que des salariés sont de plus en plus souvent visés par les poursuites.

L’intégration de la Compliance dans la culture de l’entreprise, décidée par les plus hautes instances de l’entreprise, l’application de ce nouveau paradigme dans les comportements des parties prenantes de l’entreprise sont des éléments fondamentaux d’un programme de compliance efficace.

La compliance a en effet pour objet d’assurer que les activités de l’entreprise s’alignent en conformité avec les lois et règlements civils et pénaux. Elle se doit par ailleurs d’être pédagogue, assimilable par l’ensemble de la direction et des salariés, avec des règles applicables ainsi que des procédures de prévention et de contrôle confortées par un monitoring et des audits adaptés à l’entreprise. La compliance s’apparente donc à une vraie démarche comportementale et non à un simple programme d’autocontrôle.

Ethiquement indispensable, la compliance se veut aussi économiquement utile. Il a été largement démontré que la corruption active restait souvent contreproductive à moyen ou long-terme. Une entreprise ayant recours aux dessous de table investit généralement moins dans sa R&D ; ses produits se dégradent logiquement par rapport à ceux des autres entreprises de son marché. Une menace pèse sur la survie même du groupe. Si ce n’est pas par la révélation des actes de corruption, ce sera par sa compétitivité plus tard.

La compliance s’impose donc comme un atout décisif pour l’entreprise, un enjeu de développement qu’il serait dangereux de négliger.

Le Monde du Droit – Le Magazine des Professions Juridiques – 06/2014

Blandine Cordier-Palasse, Managing Partner, BCP Executive Search, Vice-présidente du Cercle de la Compliance

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