Par Emmanuel Bonzé, Revue Association Française des Juristes d’Entreprise (AFJE) – 02/2011

Les métiers qui touchent aux programmes de compliance ont changé et vont continuer d’évoluer dans les années à venir. Explications avec Blandine Cordier-Palasse, du cabinet Blandine Cordier Conseil Executive search.

Pouvez-vous tout d’abord nous présenter votre fonction ?

J’interviens comme chasseur de têtes tant pour le compte de cabinets que de groupes. J’interviens aussi pour les établissements financiers et fonds d’envergure nationale et internationale. Je fais notamment référence aux métiers du droit et de la Compliance. Mon expertise s’appuie sur une expérience opérationnelle de plus de vingt ans comme avocat puis directeur juridique.

Quel regard portez-vous sur les métiers qui touchent aux programmes de compliance ?

Selon l’acception de la Compliance donnée par l’entreprise, cette fonction se révèle finalement extrêmement diversifiée. Sa spécificité tient à son aspect très transversal et à son interaction avec toutes les directions fonctionnelles et opé- rationnelles. Le management, et en premier lieu le Président et le CEO, doit soutenir et promouvoir l’esprit et la démarche Compliance. Toutes les directions ont vocation à travailler en synergie avec les Compliance Officers (CO). Ils réalisent ainsi l’interface, en interne, avec le juridique, le Risk Management, l’audit, le contrôle interne, la qualité mais aussi les commerciaux, les RH, la communication. Ils la réalisent également en externe avec le ou les régulateur(s).

Au-delà de cette démarche de prévention et de contrôle, il s’agit en réalité de faire vivre l’éthique dans l’entreprise. Il s’agit de faire coopérer encore plus étroitement les directions opérationnelles et fonctionnelles. Qu’elle corresponde à une fonction dédiée ou partagée, c’est le rattachement au plus haut niveau de la hiérarchie. Cela donne aux acteurs de la Compliance la légitimité nécessaire pour émettre un avis constructif, autorisé et indé- pendant. Le concept doit tenir compte des préoccupations terrain et des contraintes business. Ces acteurs ne s’érigent pas en juge ou censeurs. Ils doivent apporter une véritable valeur ajoutée au service du business et de la sécurité des opérations.

Quel profil est exigé pour ces métiers ?

Le CO doit faire preuve des qualités suivantes : leadership, indépendance, rigueur, charisme et intégrité. Il doit être bon communicant, doté d’une vision panoramique de l’entreprise, bien connaître le business et les hommes pour être en mesure d’anticiper les contraintes comme d’apprécier le niveau des risques. Il doit notamment – avec l’aide d’une équipe directement ou indirectement dédiée – auditer les chaînes de délégation des pouvoirs, analyser les conflits d’intérêts existants ou potentiels, établir une cartographie des risques, assurer la traçabilité des informations, et contribuer aux enquêtes des différentes autorités.

PARCOURS

Après avoir été avocat d’affaires en cabinet chez Slaughter & May puis directeur juridique pour les groupes Parfinance, Gemplus et Siparex, Blandine Cordier-Palasse a souhaité évoluer vers le capital humain. Elle a été associée chez Boyden Executive search en charge de la practice Legal, tax, communication financière et compliance avant de poursuivre au sein de son propre cabinet avec deux collaboratrices.

Avez-vous noté une évolution de ces métiers ?

En 2009, 80 % des entreprises cotées au CAC40 avaient nommé un responsable éthique, et pour 50 % d’entre eux, avec une fonction entière- ment dédiée. Celle-ci est de plus en plus prise au sérieux, avec un effet de cercle vertueux. Le rôle accru des autorités notamment de la concurrence au plan international et le développement d’en- quêtes en renforce l’importance. Pour les CO qui sont juristes d’entreprise en France, l’obtention du legal privilege serait un élément de sécurité fondamental pour la communication et le traite- ment d’informations sensibles.

L’impact de scandales liés à la corruption, à la concurrence, à des fraudes financières et autres délits, qu’ils soient boursiers ou non, sur l’image et la réputation des entreprises et l’influence de la culture anglo-saxonne renforcent la place de la Compliance dans l’entreprise. Cette évolution s’inscrit dans la durée et devient un élément prépondérant comme levier de performance et d’image des entreprises.

Quels changements se profilent pour s’adapter à la demande des directions juridiques d’une part, des directions générales d’autre part ?

Nombre de directeurs juridiques déploient – consciemment ou non – des programmes de Compliance adaptés à l’activité ou l’environnement de l’entreprise, à l’échelle tant nationale qu’internationale, avec une vision très business puisque les directeurs généraux attendent de ces programmes qu’ils assurent la sécurité des opérations comme la leur au sens « responsabilité pénale et civile ». C’est ici l’une des raisons qui a motivé la création du Cercle de la Compliance & de la RSE. Il s’agit avant tout de faire de ce cercle un lieu de réflexion, de proposition, d’élaboration et d’échange. Le but est de sensibiliser les dirigeants et tous les acteurs de la Compliance. Cela leur offre également les moyens comme les outils à déployer au sein de leurs propres entreprises.