Par Blandine CORDIER-PALASSE, Revue du MEDEF – 2017

Conseil en stratégie humaine et organisation, le Cabinet BCP Executive
Search privilégie une démarche sur mesure par laquelle il appréhende
l’environnement, l’organisation et les enjeux d’un poste afin de proposer
à ses clients les candidats les plus adéquats.

Rencontre avec Blandine Cordier-Palasse, Managing partner.

Quelles sont les ambitions qui ont prévalu à la création du Cabinet ?

C’est à l’occasion d’une proposition de poste qui ne correspondait pas à ce que m’en avait décrit le chasseur que j’ai réalisé combien le fait d’avoir une expérience opérationnelle faisait toute la différence. Lorsque j’ai à mon tour évolué vers le recrutement, et pour que ne se répète pas ce qui m’était arrivé, j’ai adopté une approche associant conseil avisé sur le poste en amont à l’élaboration de descriptifs de poste particulièrement précis. Ces descriptifs sont effectivement complétés et validés par le client. Ils permettent aux candidats de bien comprendre l’environnement professionnel, l’organisation du groupe et les qualités et aptitudes recherchées.

Quelle est aujourd’hui votre méthodologie ?

Nous pensons qu’un bon candidat, pour bien s’intégrer dans une nouvelle entreprise, doit être doté de compétences pointues. A cela s’ajoutent des qualités humaines mais surtout d’un potentiel d’évolution. Dans cette optique, nous soumettons les différents candidats à un questionnaire Celui-ci sonde la façon dont ils gèrent les situations complexes, les relations avec leurs interlocuteurs, le management, les conflits… Il s’agit de toutes choses qui permettent d’une part qu’ils se projettent dans le poste. D’autre part, cela permet de nous fournir des éléments sur lesquels nous appuyer pour juger de leur « fit » avec les exigences de l’environnement futur. Nous complétons celui-ci de tests de personnalité.

Nous envoyons ensuite à nos clients un benchmark précis des candidats parmi lesquels j’aime intégrer un outsider. Ce dernier peut parfois être choisi car un poste est toujours ce que l’on en fait. Ainsi, s’il est défini à 80 %, les 20 % restants sont aussi fonction du candidat, de son savoir-être, de la façon dont il capitalise sur son expérience, de son potentiel et de ce qu’il peut apporter. En outre, le fait de bien connaitre notre marché et nos candidats nous permet d’indiquer au client ce que chacun pourra lui apporter. Il s’agit notamment d’un accompagnement qui enrichit sa réflexion.

Nous présentons en général 5 à 6 candidats. Nos clients en voient 3 à 4, en retiennent 2, et en prennent 1 (voire parfois 2).

Nous recrutons également des équipes. C’est un challenge qui me plait tout particulièrement. Il exige de constituer des binômes harmonieux qui s’accordent et se complètent. La recherche et la création de ces alchimies nous poussent à réfléchir autrement et à sortir du cadre. Une dynamique qui fait d’ailleurs écho à notre devise « Thinking out of the box ».

Vous estimez qu’aujourd’hui le profil idéal d’un directeur juridique doit certes conserver sa dimension juridique. Mais il doit aussi s’enrichir d’une forte dimension business.

Absolument. Ces profils sont en pleine évolution, que ce soit en cabinet d’avocat ou en entreprise. Aujourd’hui, les directeurs juridiques doivent à la fois avoir une très bonne formation juridique, laquelle apporte une bonne construction du raisonnement et une fine analyse des situations, et une appétence pour le business, idéalement confortée par une formation en Ecole de commerce. Un cursus qui leur permet de parler le même langage que les directeurs généraux, les financiers et les opérationnels. Et surtout d’être capable de faire face à la complexité des montages d’opérations et d’ingénierie juridico-financière, de mener des raisonnements construits et d’analyser les situations, les risques et les opportunités. Le directeur juridique peut ainsi accompagner le business par une expertise juridique. Celle-ci fera de lui un véritable acteur proactif des réflexions et décisions stratégiques.

C’est une façon passionnante d’exercer le droit que d’être en prise directe avec la réalité, avec le leadership. C’est aussi une façon de défendre des positions au service d’une vision stratégique.

Aujourd’hui, il est vital de changer de prisme. Il ne faut plus s’attacher aux seules contraintes. Il faut apporter des solutions business qui prennent en compte les risques juridiques et extra-juridiques. Le droit est clairement devenu une arme économique, et par là même, un élément de compétitivité majeur. C’est la façon dont on négocie une acquisition, une JV, une cession, un contrat, un engagement, une garantie, un délai, une responsabilité, un risque… qui fait toute la différence. Il ne faut pas attendre le contentieux pour brandir l’arme juridique – puissante. Il est alors trop tard, mais bien l’utiliser en amont, au service du business. C’est un message fondamental dont le MEDEF doit s’emparer. Je m’emploie à le relayer tant auprès des candidats que de mes clients.

Pensez-vous que cette évolution soit la seule à nourrir la façon dont on intègre le juridique dans l’entreprise ?

Non, d’autres évolutions sont en cours. Par exemple, dans la mesure où les entreprises fonctionnent désormais sur un mode moins hiérarchique – car les jeunes collaborateurs, très proactifs, préfèrent déployer leurs potentiel et énergies d’entrepreneurs au sein d’organisations plus horizontales et n’attendent plus de validation de la part de leurs responsables – il est essentiel de posséder de bons réflexes juridiques pour être en mesure d’être son propre censeur.

Enfin, il faut pouvoir s’assurer qu’un directeur juridique continue à apporter à son entreprise une vraie valeur ajoutée, en ligne avec la stratégie et les opportunités business. Les juristes en poste depuis 10 ans ne sont plus nécessairement ceux susceptibles d’accompagner un groupe dans ses évolutions. Ainsi, de la même façon qu’il remet en cause son directeur financier tous les 5 ans environ, un dirigeant d’entreprise doit pouvoir s’interroger à chaque étape de son développement sur la capacité de son directeur juridique à accompagner et sécuriser la stratégie de son groupe.

Quelle place pensez-vous que ce directeur juridique 2.0 devrait avoir au sein de l’entreprise ?

Il me semble qu’à l’instar des entreprises anglosaxonnes où le Général Counsel est le bras droit du président, nos directeurs juridiques devraient siéger au Comité Exécutif. En effet, de même que le directeur financier accompagne le directeur général dans la mise en place de la stratégie globale, le directeur juridique doit pouvoir participer à sa définition et à la mise en oeuvre avec les membres du Comex. Cela permettra d’intégrer la réflexion et l’ingénierie juridique très en amont des projets, d’impliquer la dimension juridique dans le business et d’insuffler les réflexes juridiques aux membres du Comex. On notera que la feuille de route des juristes devient transversale et que désormais les sujets liés à la compliance, dont l’importance est croissante, en font partie.

Vous êtes particulièrement engagée sur ce sujet puisque vous êtes vice-présidente du Cercle de la Compliance. Quels sont les enjeux que soulève la compliance ?

Les entreprises, poussées par la Société Civile et les régulateurs, prennent conscience des problématiques qui lui sont liées (lutte contre la délinquance financière et le terrorisme, anticorruption, fraude, éthique des affaires, data protection, normes réglementaires et professionnelles…) et mettent en place des mesures de prévention et de vigilance pour protéger leur patrimoine matériel et immatériel.

Des enjeux de taille à l’heure de la révolution numérique et du big data, qui engagent les entreprises et les personnes à se préoccuper sérieusement de la sécurisation de leurs données, et confèrent aux fonctions compliance un rôle inédit, appuyé par l’évolution des réglementations institutionnelles, comme par exemple le Règlement général sur la protection des données (GDPR) de l’Union Européenne, qui vise à améliorer la transparence, et entrera en vigueur en mai 2018. Fondamentalement associées aux enjeux contemporains de la cybersécurité et plus globalement à l’éthique des affaires, les fonctions compliance sont désormais souvent rattachées au top management dans les groupes internationaux car les dirigeants ont compris qu’elles étaient indispensables à la protection de leur entreprise et participaient à changer la culture du groupe sur les nouvelles façons de faire du business.

Je suis co-fondatrice et contributrice du Cercle de la Compliance depuis 6 ans. D’ailleurs, je comprends à la fois les enjeux et les besoins qu’elle impose. Je sais accompagner au mieux les clients dans ces expertises pointues très nouvelles pour eux. Comme le juridique, la compliance n’est pas là pour empêcher de faire. Elle est là au contraire pour sécuriser la façon de faire. Elle permet d’analyser, d’évaluer et de préempter les risques dans un monde où les règles changent. C’est un monde où ce qui était permis ou toléré il y a 10 ans ne l’est plus aujourd’hui.

Pour preuve, l’augmentation du nombre de dirigeants remerciés pour faute éthique comme le révèle l’étude « CEO Success » publiée par PwC en mai 2017. Sur les 2 500 plus grandes entreprises cotées au monde, le nombre de départs faisant suite à des manquements à l’éthique a augmenté de 36 % entre les périodes 2007-2011 et 2012-2016.

L’allégement de la structure hiérarchique que vous évoquiez vous parait être une bonne chose ?

Il me semble surtout que c’est une évolution inéluctable – qui présente des aspects positifs. C’est une force qui peut libérer les énergies et les initiatives. Mais elle a surtout besoin d’un accompagnement. Ainsi aux Etats-Unis, les dirigeants – qui savent que tout est contrat – ne font rien sans leur directeur juridique. Il est crucial de réussir à développer en France cette même sensibilité juridique. Il est aussi essentiel de l’intégrer à l’éthique, laquelle, loin de nuire à la performance, la renforce. C’est à cela que je m’emploie avec mes clients, tout d’abord à travers mon activité de conseil. Puis mon rôle est de leur trouver les personnalités capables d’assumer ces enjeux dans l’entreprise.