Par Pascale BESSES-BOURNARD, Wansquare

Les sociétés font face aux conséquences désastreuses des accusations de corruption ou d’entente. Elles commencent à s’organiser pour mettre en place des « compliance » de choc. Une évolution salutaire que les agences de notation extra financières voient, en outre, d’un très bon œil.

La lutte contre la corruption n’a jamais été aussi active dans le monde. Pas un jour sans qu’une entreprise, un Etat, une sommité politique ou des affaires ne soient impliqués. Ils se trouvent systématiquement poursuivis pour de tels délits. Il faut dire que les autorités aussi bien de régulations que de concurrence ou judiciaires se penchent de très près sur toutes les formes de corruption. Elles se penchent également sur les formes d’ententes illégales ou d’atteintes aux droits de l’homme. Et les conséquences peuvent être désastreuses aussi bien pour l’image des entreprises ou des personnalités prises la main dans le pot de confiture. C’est aussi le cas pour la santé financière des entités incriminées, sans parler des possibles retombées pénales pour les dirigeants.

C’est bien la raison pour laquelle Blandine Cordier-Palasse, co-fondatrice et vice-présidente du Cercle de la Compliance a pris son bâton de pèlerin. Son objectif est de convaincre les entreprises de prendre ce sujet très au sérieux et d’organiser leur compliance. Aux Etats-Unis, par exemple, le principe de dénonciation est quasiment monnaie courante. Pour la bonne raison que celui qui dénonce est quasi assuré d’être exempt de toutes poursuites… D’où la tentation pour certains d’être le premier à dénoncer. Et comme dit le dicton : calomnie, calomnie, il en restera toujours quelque chose.

« Il faut absolument sensibiliser les dirigeants sur cette problématique. Pour mettre en place une compliance efficace, il faut que la décision vienne d’en haut et que tous les salariés s’approprient le sujet. Pour prévenir tous les dangers possibles il faut que tout le monde s’y attèle », affirme Blandine Cordier-Palasse. Elle est également managing partner du cabinet de recrutement BCP Executive Search. Pour elle, cette démarche est plus qu’un programme. C’est un comportement, un mode de gouvernance d’ailleurs très prisé des spécialistes de l’analyse extra-financière.

Certains groupes ne jouent pas vraiment le jeu, se contentant de mettre en œuvre des dispositifs « cosm’éthique ». D’autres ont véritablement pris la mesure des enjeux. Ils ont mis en place divers process à base de formation des salariés, de monitoring, d’up date réguliers et d’audit sur le terrain.

Reste à gérer la concurrence déloyale de ceux qui continuent à pratiquer ces méthodes quasi délictueuses. Et ce sont d’ailleurs plutôt dans les sphères publiques que les mauvaises habitudes sont les plus difficiles à faire bouger. Dans le privé, certains secteurs ne peuvent se permettre d’outrepasser les règles et de maintenir des pratiques courantes de corruption.

« Mais à partir du moment où les enveloppes sont officielles et qu’elles sont répertoriées en tant que telles dans les comptes, l’entreprise limite les risques de corruption active », indique Blandine Cordier-Palasse. D’autres se sont également rendus compte qu’à force de se reposer sur des marchés obtenus via des dessous de table, ils ne se remettent plus en question. Ils délaissent leur recherche & développement et se retrouvent avec des produits dépassés. Les mettant dans une posture critique lorsque le « corrompu » n’a plus la main pour signer les contrats.

« La compliance est un véritable atout compétitif. C’est un cercle vertueux où tout le monde y gagne, des actionnaires aux salariés. Ils sont tous fiers de contribuer à la performance, à la bonne image et réputation de l’entreprise », ajoute la juriste. Il faut évoquer le cas de certaines entreprises ayant conditionné le bonus versé en fin d’année. Ce bonus concerne la participation des personnes concernées à des formations compliance !

Mais comme pour beaucoup d’autres sujets, la lutte contre la corruption, les ententes illégales où tout autre dérive délictueuse ne pourra être pleinement efficace. Elle le sera lorsque tout le monde sera logé à la même enseigne et se conformera aux mêmes règles. Ce qui est encore loin d’être le cas. « La vocation de notre Cercle est de promouvoir la compliance et l’éthique des affaires, dans une perspective de gouvernance et de management des risques renforcés ». « L’heure est surtout à la sensibilisation et la fédération. Notre travail est de longue haleine. Mais le mouvement s’enclenche indéniablement au plan international », se félicite Blandine Cordier-Palasse.