Par Philippe MONTIGNY et Blandine CORDIER-PALASSE, Fusions acquisitions Magazine – 01/2010

Depuis peu, la question de la corruption transnationale se considère comme un risque majeur pour les entreprises. Elle l’est notamment à l’occasion des processus de fusions-acquisitions. Aujourd’hui, une entreprise française qui verserait une commission indue dans le cadre d’un marché étranger, directement ou par l’intermédiaire d’une filiale ou d’un agent commercial, peut se retrouver poursuivie. Elle peut aussi être condamnée par un tribunal français, alors même que l’ensemble des éléments constitutifs du délit se trouve en dehors du territoire national.

Jusqu’au 30 juin 2000, un tribunal français ne pouvait pas poursuivre un acte de corruption commis par un entreprise française à l’étranger. C’est la date de la transposition de la convention anti-corruption de l’OCDE en droit français

Plus précisément, il était seulement possible pour un magistrat de requalifier cet acte en abus de bien social. C’était notamment le cas lorsqu’il avait donné lieu au paiement d’une rétrocommission. Aujourd’hui, une entreprise française qui verserait une commission indue dans le cadre d’un marché étranger, directement ou par l’intermédiaire d’une filiale ou d’un agent commercial, peut être poursuivie. Un tribunal français peut la condamner alors même que l’ensemble des éléments constitutifs du délit se trouve en dehors du territoire hexagonal.

De surcroît, la responsabilité pénale du dirigeant de l’entreprise peut se trouver engagée. Il faut une preuve que l’acte de corruption a été décidé isolément par un employé ou un intermédiaire de l’entreprise. De plus, il a pu être facilité en raison de l’absence d’une politique de prévention de corruption explicitement formulée. A ce jour, 31 entreprises françaises (contre 19 en 2008) font l’objet de poursuites judiciaires pour un acte de corruption commis à l’étranger. Plus de la moitié le sont à la suite d’une déclaration de soupçon de blanchiment à Tracfin1. C’était notamment à l’occasion de l’utilisation des fonds par l’agent public corrompu.

Le dispositif français d’incrimination de la corruption sur les marches étrangers s’est trouvé renforcé par la loi du 13 novembre 2007. Cette loi a élargi la caractérisation du délit, notamment au trafic d’influence. Elle a donné aux autorités de poursuite des moyens d’investigation jusque-là réservés à la lutte contre le terrorisme. A cela s’ajoutent le grand banditisme infiltration, écoutes téléphoniques, captation d’images, etc.

La transposition de la convention anticorruption de l’OCDE en droit interne dans l’ensemble des pays signataires est aujourd’hui effective. De nombreuses poursuites sont désormais en cours. Plusieurs cas de corruption ont d’ailleurs connu, hors du prétoire, un écho médiatique important. On peut citer celles touchant British Aerospace en Angleterre ou Siemens en Allemagne et aux États-Unis.

L’émergence de sanctions multijuridictionnelles sévères

Au risque encouru sur le territoire national s’ajoute le risque de poursuites dans les autres pays. À l’heure actuelle, treize entreprises de la zone OCDE, dont trois françaises, font l’objet d’enquêtes multijuridictionnelles. Elles peuvent éventuellement se traduire par des peines de prison prononcées par un tribunal étranger à l’égard du dirigeant. Il y a eu la récente affaire de corruption privée entre la filiale allemande de Faurecia et des constructeurs allemands d’automobiles. Un tribunal allemand a condamné le PDG français, Pierre Levy, en 2007 à un an de prison avec sursis.

La juridiction américain, est celle qui poursuit le plus activement les entreprises étrangères cotées aux États-Unis. Cette disposition est effective, en application de la loi sur les pratiques de corruption à l’étranger (FCPA)2. Elle a également poursuivi celles ayant une filiale sur le territoire américain. Ainsi, la Securities and Exchange Commission (SEC) peut poursuivre une entreprise française inscrite sur Bourse américaine. Un acte de corruption commis en France ou dans un pays étranger constitue un motif de poursuite.

Ces six dernières années, 112 entreprises ont sanctionnées par les autorités américaines pour un acte de corruption publique a l’étranger. Parmi ces entreprises, seulement 35 n’avaient pas leur siège aux États-Unis. Le cas le plus emblématique concerne le groupe allemand Siemens. Ce dernier a été condamné à verser en 2008 au trésor américain une amende de 800 millions de dollars. Le groupe avait déjà réglé une amende de 775 millions d’euros en Allemagne.

La question de la corruption dans le cadre des fusions-acquisitions

Dans le cas d’un processus de fusion acquisition, l’enjeu d’un problème de corruption se pose de façon différente. Il se pose que l’on se place du point de vue de l’acquéreur ou du vendeur. La première question qui se pose est celle de la responsabilité de l’acquéreur. Cette responsabilité se situe au regard de l’héritage du passif pénal de la société récemment acquise.

De ce point de vue, il convient d’apprécier quel espace juridictionnel serait compétent. L’objet est d’incriminer un délit de corruption dans le cadre de l’acquisition.

Pour faire court, on distinguera deux espaces juridictionnels. On a d’abord le premier étant celui des États-Unis. Ensuite, le second reprend celui en vigueur dans la plupart des pays européens et notamment en France.

L’espace juridictionnel américain

Pour la justice américaine, l’acquéreur est responsable du passif pénal de l’entreprise acquise. Il ne l’est pas s’il a conduit des diligences poussées dans ce domaine et que, découvrant des faits de corruption, il a engagé ou demandé à la société en cours d’acquisition d’engager une procédure de révélation volontaire auprès des autorités compétentes, le Department of Justice (DoJ) et/ou le Securities and Exchange Commission (SEC). Ces diligences doivent se faire avant l’acquisition ou, si celle-ci est hostile, immédiatement après, en informant aussitôt les autorités des soupçons que des actes de corruption aient pu avoir lieu.

Dans l’affaire Titan/Lockheed Martin, l’accord de fusion était signé le 15 septembre 2003. Cet accord prévoyait que Lockheed se porterait acquéreur de Titan pour une somme de 1,83 milliard de dollars (soit 22 dollars par action alors que le titre cotait environ 7 dollars). L’accord précisait par ailleurs « qu’aucune filiale, aucun dirigeant, cadre, agent ou employé de l’entreprise ou d’une de ses filiales n’avait[.] commis d’acte pouvant mettre l’entreprise ou l’une de ses filiales en situation de violation de la loi sur les pratiques de corruption étrangère (Foreign Corrupt Practices Act) ». Mais lors des diligences préalables conduites par Lockheed, il est apparu que des intermédiaires avaient effectué des paiements illicites. Ces intermédiaires travaillent notamment pour Titan au Benin et en Arabie saoudite.

Le 13 février 2004, Lockheed et Titan ont décidé de porter ces faits à la connaissance du Department of Justice et de la Securities and Exchange Commission (SEC). En raison des risques d’engagement de responsabilité d’acquéreur, Lockheed a en avril 2004, imposé a Titan une diminution du prix d’achat de 170 millions de dollars. Cela correspond notamment à une décote de 9 %.

Début juin 2004, la SEC a fait savoir qu’elle allait engager une action contre Titan pour violation du FCPA. La SEC indique que d’autres violations pourraient être découvertes dans des pays tiers. Le 26 du même mois, Lockheed a annoncé renoncer à l’acquisition en raison du risque encouru. Cette décision a entraîné une chute du cours de l’action de plus de 40 %. Cela a déclenché une série de class actions a l’initiative des petits porteurs et d’investisseurs institutionnels lèses par la chute brutale du cours.

En mars 2005, la SEC avait condamné Titan au paiement de 28,5 millions de dollars. En juin 2005, la société L-3 communication avait repris la société Titan, au prix de 23 dollars par action. Cela correspond certes au prix nominal offert initialement par Lockheed. Or, cela doit être tempéré par le fait qu’entre juin 2003 et juin 2004, le Nasdaq s’était apprécié d’environ 30 %.

L’espace juridictionnel français

En droit français, et dans la plupart des droits européens, l’acquéreur n’est en général pas responsable du passif pénal de l’entreprise acquise. En revanche, il pourrait être coupable de recel. C’est le cas si, une fois l’entreprise acquise, il continue de bénéficier d’avantages indus lies a des pratiques illicites. Plus généralement, ce que l’on peut craindre c’est qu’un pacte de corruption passe avant l’acquisition. De plus, l’autre risque est qu’il ne continue à l’insu des nouveaux dirigeants. Ceux-ci se trouvent ensuite passibles de poursuites pour ne pas avoir mis en place des outils de prévention de la corruption. A cela s’ajoutent des outils de contrôle des pratiques commerciales suffisamment efficaces.

Cette situation, a caractérisé l’affaire Faurecia jugée en Allemagne. Elle aurait sans doute prévalu en France si l’affaire y avait été poursuivie. En octobre 2000, Faurecia avait racheté la société allemande Allibert Sommer AG. En mai 2005, le fisc allemand découvre dans les comptes d’Allibert Sommer, devenue la filiale allemande de Faurecia, des irrégularités. Elles laissent penser que des commissions indues ont été versées dans le cadre de passation de marchés avec des constructeurs automobiles allemands. Le fisc transmet cette information aux parquets de Frankfort et de Munich.

L’enquête met au jour un système de corruption mis en place en 1998. Il a été mis en place avant l’acquisition par Faurecia. Ce système porte sur des montants de l’ordre de 600 a 800 K€ par an entre 1998 et 2005. À la découverte des faits, le PDG de Faurecia, Pierre Levy, a pris ses fonctions en 2000. Il les a pris postérieurement à la mise en place de ce pacte de corruption. Par conséquent, il a du démissionner en 2006.

De surcroît, le tribunal allemand le condamne a un an de prison avec sursis et à 300 000 € d’amende. II est particulièrement intéressant de noter que dans ses conclusions, le tribunal a reconnu que le PDG n’avait pas été à l’origine du pacte de corruption. Le PDG ne s’était donc pas enrichi frauduleusement. Il a été coupable de ne pas avoir pris les dispositions nécessaires pour faire cesser ces pratiques illégales. Enfin, le jugement peut paraître sévère. Or, il est intéressant de noter que la presse financière de l’époque avait qualifié la sanction de clémente.

L’enjeu de la corruption dans le processus de cession

La recherche de pratiques de corruption est de plus en plus fréquente dans les procédures d’acquisition non seulement parce qu’elle permet de protéger laresponsabilité pénale de l’acquéreur, mais également parce que cela peut être un moyen pour lui de faire baisser le prix de l’acquisition, comme par exemple pour Lockheed qui avait obtenu de Titan une diminution de 9 % sur le prix initialement convenu. Pour se protéger de ce cas de figure, un certain nombre d’entreprises procèdent a des diligences approfondies préalablement à la vente d’une filiale. Les conséquences d’une découverte de pratiques corrompues peuvent néanmoins être lourdes, comme l’illustre le cas rencontre récemment par ABB.

En 2003, la société suisse ABB souhaite se dessaisir de deux entités : ABB Vetco Oray UK Ltd. et ABB Vetco Gray Inc. En procédant à un audit interne préalable, elle découvre que des pratiques de corruption ont eu lieu au Nigéria en vue d’influencer des agents publics lors de passation de marché. ABB décide de procéder alors à une évaluation approfondie de ses deux filiales. En 2004, ABB fait appel à 100 juristes extérieurs qui auditent plus de 4 millions de pages de contrat et procèdent à près de 200 interviews dans 21 pays différents. ABB procède ensuite à une réforme importante de ses procédures commerciales et de ses moyens de contrôle. À la suite de quoi, ABB décide de plaider coupable auprès des autorités américaines.

Le Department of Justice inflige à ABB une amende de 10,5 millions de dollars accompagnée d’une demande de remboursement de profits indus de 5,9 millions de dollars, soit une pénalité totale de 16,4 millions de dollars considérée à l’époque comme très lourde au regard de la profondeur de l’audit engagé à l’initiative de ABB, du coût qu’il a représenté et de l’ampleur des réformes engagées.

Prévenir le risque de corruption par la qualité du capital humain

Se doter d’un dispositif efficace de prévention de la corruption, c’est non seulement protéger l’entreprise mais aussi sécuriser son capital en cas de cession.

Depuis longtemps déjà, les entreprises ont pris conscience de l’importance de leur patrimoine immatériel : savoir-faire, brevets, business process, image, voire marque. Cependant, encore peu d’entre elles ont conscience de la valeur de leur patrimoine éthique.

À partir de 2000, les entreprises cotées à la Bourse de New York ont commencé à prendre en compte les dispositions de la loi Sarbanes Oxley sur le contrôle interne et la prévention des fraudes qui sont venues se surajouter aux dispositions extra-territoriales des textes de lutte contre la corruption. Les amendes considérables qui viennent sanctionner des pratiques commerciales entachées de corruption (800 millions de dollars d’amende pour KBR aux États-Unis cette année) démontrent combien un manquement aux pratiques éthiques peut coûter cher à l’entreprise

De plus, en France, la loi du 3 juillet 2008 et l’ordonnance du 8 décembre 2008 transposent la huitième directive ont donné de nouvelles responsabilités aux administrateurs. Ils sont dès lors très sollicités pour répondre à de fortes attentes en matière d’éthique et doivent veiller à l’efficacite des procédures de gestion des risques notamment, même si c’est au management de mettre en place des procédures efficaces.

Mais la préservation du patrimoine éthique ne se décrète pas urbi et orbi. II ne suffit pas de renforcer les procédures de contrôle interne. Il est fondamental de sensibiliser les collaborateurs à la valeur d’intégrité et de susciter la conviction pour entraîner l’adhésion de chacun. Ainsi, la préservation du patrimoine éthique se construit en mettant en place une organisation appropriée et des procédures de prévention et de contrôle adaptées.

A cette fin, les entreprises s’appuient en général sur un document éthique, référentiel de culture et de valeurs. Ce document s’adaptera en cas de modification de périmètre lié à une fusion, à une acquisition ou au contraire à une scission.

Certaines ont pu être poussées à développer cette approche en raison d’une exigence externe notamment des régulateurs boursiers (AMF française, SEC américaine). Il y a également une exigence des agences de notation extra financière. Le référentiel a évolué en faisant apparaître des questions sur la manière dont les entreprises traitent tel ou tel risque éthique (corruption, lobbying pour les industries dépendantes d’autorisations réglementaires, les pratiques de vente de publicité pour les entreprises de grande consommation, mécénat, respect de la vie privée ..). De surcroît, les sociétés s’imposent entre elles de nouvelles conditions. Les acheteurs exigent des fournisseurs qu’ils souscrivent aux dispositions de leurs documents éthiques. Notamment les acheteurs américains demandent à vérifier les procédures de prévention de la corruption des entreprises avec lesquelles ils traitent.

Le développement en France de dispositifs de compliance est lié au renforcement de l’exigence de contrôle interne. Il est également lié à l’expansion internationale des groupes.

Les entreprises qui se développent a l’international, et tout particulièrement dans certains pays, sont conscientes qu’elles augmentent leurs risques. Elles s’exposent à l’application de règles extraterritoriales (notamment en matière de corruption) et à une globalisation de leurs risques juridiques. Ces risques se situent notamment en matière de concurrence, droit du travail, droits de l’homme, santé, sécurité, développement durable et environnement. La crise économique a révélé la rapidité de propagation des défaillances à l’échelle mondiale. Les entreprises qui étaient en situation quasi monopolistique et qui entrent dans le système concurrentiel s’inquiètent des nouvelles tentations.

L’émergence de politiques de « conformité »

Pour faire face à ces risques, les entreprises françaises commencent à se doter de politiques de conformité. Dans la pratique, l’éthique désigne souvent l’éthique des affaires. Elle se fonde essentiellement sur l’intégrité et la conformité dans les pratiques commerciales et les comportements individuels.

La conformité ou compliance cherche à protéger, à maintenir et à développer la réputation et la compétitivité de l’entreprise. La fonction de compliance a pour objet tout d’abord de s’assurer que les activités de l’entreprise sont conduites en conformité avec les lois et règlements civils et pénaux. Le concept et notamment fait pour prévenir et détecter les malversations. Ensuite il permet d’intégrer une pédagogie sur la portée des règles applicables. Enfin, il doit mettre en place des procédures de prévention et de contrôle.

Ainsi, certains groupes ont une approche orientée compliance. On peut observer d’une part un référentiel très centralisé par un document éthique d’application souvent universelle avec des variantes adaptables localement. Le but est de respecter les différences de culture. D’autre part, on observe un réseau plus étoffé de responsables de la conformité (ou « compliance officers » pour reprendre la terminologie anglo-saxonne). Ils assurent les fonctions de sensibilisation et de contrôle, tout en garantissant l’anonymat si nécessaire.

La personnalité des fondateurs ou des dirigeants, l’histoire et la culture de chaque entreprise influence son approche vis-à-vis de l’éthique et de la conformité.

Ainsi, certaines organisations veulent transmettre de solides valeurs. Le but est de maintenir des comportements intègres en raison notamment de leur modèle économique ou de leur objet social. Ceci est le cas, par exemple, des sociétés mutualistes, des coopératives ou des services publics. Les entreprises familiales sont, quant à elles, socialement engagées dans la transmission d’une forte culture.

D’autres entreprises (industrielles ou de services qui contractent avec les gouvernements) s’exposent par leur métier à des risques de dérapage juridique (tels que la corruption ou l’atteinte à la concurrence). Ces entreprises se soumettent également au système juridique américain (cotées à la Bourse de New York). Elles développent en conséquence une prévention des risques juridiques et de fraude.

La mise en place de direction « Éthique et conformité »

Le déploiement d’une politique de conformité passe en général par la mise en place d’une direction « Éthique et conformité ».

Par définition, la direction « Ethique et conformité » doit être indépendante de la sphère opérationnelle afin de pouvoir, par exemple, refuser le choix d’un agent commercial dont l’intégrité serait douteuse au point de faire courir un risque à l’entreprise. Mais cette indépendance doit se coupler à une parfaite compréhension du métier de l’entreprise, de son mode d’acquisition ou de conservation des affaires, sans laquelle elle n’aurait que peu de crédibilité.

La légitimité d’une direction « Ethique et conformité » s’appuie sur deux piliers, dont le premier consiste en sa position dans l’organigramme de la société. Elle doit être suffisamment proche du dirigeant et montrer qu’elle bénéficie de son soutien absolu. Son directeur doit avoir accès aux instances dirigeantes de l’entreprise : comité exécutif, comité de direction ou directoire suivant les cas. Il est bien sûr essentiel qu’elle ait un accès direct au comité d’audit quelle doit informer régulièrement de son action.

Le second pilier garantissant la légitimité de cette direction consiste en la légitimité propre à la personne du directeur. Le directeur doit être un homme ou une femme dont, bien sûr, l’intégrité ne fait aucun doute et qui jouit d’une réputation d’indépendance et de rigueur. Une forme de charisme est également nécessaire car, au-delà de la mise en œuvre et du contrôle de procédure de prévention de la corruption, il s’agit de faire « vivre » l’éthique dans l’entreprise, que ce soit dans les directions opérationnelles ou dans les fonctions de support : ressources humaines, direction juridique, audit et contrôle interne.

Les qualités relationnelles du directeur de la conformité et de son équipe sont fondamentales pour transmettre la conviction et emporter l’adhésion de tous les collaborateurs. En effet, ceux-ci doivent s’approprier le respect des règles et des procédures mises en place et doivent pouvoir se reconnaître dans les valeurs défendues largement diffusées au sein de l’entreprise.

Cette fonction éminemment transversale doit coopérer et interagir avec routes les fonctions opérationnelles et support :

-la direction financière, l’audit, les risques et le contrôle interne. Ils sont ainsi impliqués dans le domaine de la lutte contre la fraude ;

-la direction des ressources humaines intervient dans la mise en place de formation appropriée. L’objectif est de renforcer la vigilance des collaborateurs en matière de prévention de la corruption ;

-la direction juridique est impliquée dans la mise en œuvre du respect des obligations anticorruption, et particulièrement dans les contrats.

Le responsable de l’éthique et de la conformité doit donc se positionner par rapport à ces différentes directions. Son rattachement au plus haut niveau lui fournit la légitimité pour émettre un avis « indépendant » sur les questions soumises. Il peut le faire en toute confidentialité et confiance par les collaborateurs ou la direction.

Ainsi, la coopération et l’implication des différentes directions opérationnelles et activités de support varie selon trois éléments essentiels :

— la nature des risques auxquels l’entreprise s’expose ;

– l’historique d’antériorité et de légitimité des diverses fonctions ;

– la légitimité de la direction éthique et compliance. Cet élément joue notamment en fonction de la personnalité et du charisme du directeur. A cela s’ajoute la légitimité assurée par le plus haut niveau de la pyramide au sein de l’entreprise.

Appuyer le dispositif de prévention sur la responsabilisation des collaborateurs

La réussite d’une politique de prévention de corruption passe ensuite par une mobilisation de l’ensemble des collaborateurs. Il est dès lors important que la direction de l’éthique et de la conformité puisse s’appuyer sur un réseau de responsables de la conformité. Ces responsables se répartissent dans les différentes entités du groupe et dans les différents pays. Selon la taille ou le risque que peut présenter une filiale ou un pays, ces « compliance officers » peuvent être soit à plein temps sur cette fonction soit partager celle-ci avec leur responsabilité première: juridique, ressources humaines, audit, finances. Enfin, certaines entreprises adoptent une formule où des compliance officers régionaux exercent à plein temps. Ceux qui sont en poste dans les pays le font à temps partiel.

Il n’y a pas de qualification type pour un compliance officer. Ces correspondants ont en général une triple mission de sensibilisation, de conseil et de reporting. Les programmes de compliance incluent des formations sur des risques de plus en plus ciblés. On peut notamment citer la corruption, l’atteinte à la concurrence, la pratique des achats, les droits de l’homme.

Leur rôle est attribué au vu de leur profil personnel. Cette attribution joue également au vu de la nature des risques dominants dans le métier ou le pays. Ainsi selon les cas, il peut s’agir de personnes ayant un bagage juridique, de comptabilité ou d’audit. Cependant, on trouve souvent d’excellents compliance officers qui sont d’anciens commerciaux, managers opérationnels. Il peut s’agir d’anciens responsables administratifs ou de ressources humaines voire parfois communication.

Une équipe de compliance officers doit réunir des compétences complémentaires et regrouper plusieurs talents. On mentionne une imagination pour concevoir les procédures les plus appropriées aux métiers de l’entreprise. A cela s’ajoute une rigueur dans l’analyse pour identifier les risques potentiels. Il y a aussi une psychologie pour savoir comment convaincre des opérationnels de terrain d’appliquer strictement des principes de précaution qui peuvent ralentir leur activité.

Ainsi des moyens financiers et humains sont mis en œuvre. L’adhésion de chaque collaborateur constitue un prérequis pour une pleine efficience de ces dispositifs. La valeur du capital humain se révèle une nouvelle fois fondamentale. L’objectif est d’assurer l’efficacité et le respect des dispositifs mis en place.

Le top management de I ’entreprise doit faire figure d’exemplarité. Relayé par le management, il a une influence fondamentale pour assurer la légitimité de l’ensemble de la démarche. Le but est de développer le réflexe de compliance dans l’ensemble de l’organisation et de l’activité internationale du groupe

La pérennité de l’entreprise et le développement de celle-ci à l’international pourront être assurés. Ce sera possible dans de meilleures conditions de sécurité juridique, financière et opérationnelle. Cela contribuera à renforcer la sécurité globale de l’entreprise et de son capital humain. Cela pourra également contribuer à une amélioration constante de la valorisation de l’entreprise.

Ce faisant, la politique de conformité participe directement à la création de valeur au sein de l’entreprise. Plus précisément, elle vient attester que le chiffre d’affaires de l’entreprise s’appuie sur des pratiques commerciales. Ces pratiques doivent être conformes aux exigences légales et aux attentes des citoyens. Ainsi est-elle aujourd’hui tout particulièrement examinée à l’occasion des processus d’acquisition. De ce fait, à partir d’elle, dépend la crédibilité des chiffres qui serviront de base aux négociations.

1 Cellule française de lutte anti blanchiment
2 Foreign Comipt Pracaces Act, loi de 1977
. Révisée en 1998 pour transposer la convention OCDE en droit interne des États-Unis