Par Blandine CORDIER-PALASSE, Collection Guide Annuaire 2014 Décideurs : Stratégie Finance Droit – 05/2014

Décideurs. Paradoxalement, le directeur juridique est-il encore un juriste ?

Blandine Cordier-Palasse. Il l’est, mais cantonner le directeur juridique au seul rôle de juriste est une erreur qu’encore trop d’entreprises se permettent étonnamment. En effet, il peut être bien plus. Il serait en mesure de contribuer significativement à la performance de l’entreprise et à son amélioration permanente. C’est possible dès lors qu’il s’associe à sa stratégie.

Le rôle du directeur juridique l’amène en effet à être un radar particulièrement utile pour limiter les risques juridiques. Il peut anticiper les évolutions réglementaires, discerner les risques positifs d’opportunités et contribuer ainsi à la stratégie de croissance.

Décideurs. Le directeur juridique est de plus en plus impliqué dans la gestion des risques ?

B. C.-P. Absolument. Il est très important que les entreprises prennent la juste mesure de ce qu’un bon directeur juridique peut leur apporter. Par conséquent, ils doivent connaitre des enjeux en termes de recrutement. Les juristes s’avèrent d’efficaces facteurs de réduction des risques stratégiques et opérationnels. Ce sont des soutiens impliqués dans l’activité de l’entreprise, au service des différentes business units.

Toute incertitude par rapport aux événements extérieurs peut en effet menacer la réalisation des objectifs par l’entreprise. Cela peut ainsi obérer son développement à long terme. Il faut donc en permanence faire vivre et évaluer le couple stratégique. « objectifs et activités de l’entreprise versus risques inhérents à ces mêmes activités. »

« Le directeur juridique peut augmenter son impact positif et son rôle d’influence et transformer le risque en opportunité »

Décideurs. La compliance est-elle une réponse à cette analyse des risques ?

B. C.-P. Pas seulement. La compliance s’inscrit dans une vision éthique de l’entreprise dans sa globalité. En lien direct avec la gestion des risques, le directeur juridique a toute la légitimité pour être la cheville ouvrière d’une compliance efficace. Le comité exécutif, le comité d’audit et le conseil d’administration auront l’information de la cartographie des risques potentiels avec cette perspective. Les administrateurs pourront définir la stratégie de l’entreprise en accord avec la compliance de l’entreprise, d’où l’importance d’une bonne implication du directeur juridique au sein des instantes décisionnaires.

Décideurs. La compliance pourrait-elle aller à l’encontre des intérêts opérationnels de l’entreprise ?

B. C.-P. Bien au contraire. Bien déployée, la compliance se révèle une affaire de stratégie d’entreprise. Elle requiert notamment une prise de conscience, de la volonté et des moyens. Bien appréhendée, elle doit permettre de transformer les risques ou leurs menaces en opportunités. Le but est de coordonner les actions et les interactions des équipes fonctionnelles et opérationnelles, de manière transversale et multidisciplinaire.

Loin d’être un frein au business, la compliance permet d’établir un rapport et une logique de confiance sur le long terme, qui développe la culture de l’écoute du droit et des valeurs. La direction juridique peut dès lors augmenter son impact positif et son rôle d’influence et transformer le risque de la zone d’incertitude en opportunité pour avoir une longueur d’avance. Cela se révèle d’autant plus vrai que l’entreprise s’expose à l’international, notamment en termes de risque d’amende, d’images/réputation et de coûts. Ainsi, cela se produit dès lors qu’une procédure s’enclenche à son encontre.

Décideurs. Quelle devrait donc être sa place dans l’organigramme ?

B. C.-P. Un bon directeur juridique apparaît tout à la fois un business partner et le gardien du temple, de l’éthique et de la bonne conduite des affaires. À ce titre, la place du directeur juridique au sein de l’organigramme n’est pas une question d’ego. Au cœur de la machine, tout en ayant le recul que n’ont pas toujours les directions opérationnelles, il doit être en mesure de reporter directement au président.

Trop souvent jugée comme un centre de coûts, la direction juridique relève bel et bien plutôt de la création de valeur stratégique, non mesurable nécessaire- ment à court terme, mais parfaitement en ligne avec la stratégie et le développement de l’entreprise. Désormais, le directeur juridique peut décidément devenir un stratège qui gagne à être connu.