Par Arthur DE BOUTINY, journaliste, Les Echos Business – 11/09/2013

Le « compliance officer », souvent un juriste spécialisé dans le business, s’occupe autant d’éthique interne que de prise de risques. Après la banque, ce métier intéresse désormais tous les secteurs d’activité.

La profession fuit son chemin 1mis reste relativement méconnue en France. Le compliance officer est d’abord, sollicité par les banques et les sociétés de gestion d’actifs. Ce dernier gagne du galon auprès des groupes industriels et de services. « Compliance officers »… Le terme ne plait pas aux juristes de la langue française. Mais ceux de responsable conformité ou de déontologue ne sont pas ses synonymes. « Présente de longue date dans les banques, la direction Conformité résulte de la règlementation bancaire», explique Catherine Delhaye. Elle est co-fondatrice et Secrétaire général du Cercle de la Compliance et Directeur Ethics et Compliance de Valeo. « Le déontologue se charge des dilemmes éthiques. La compliance aussi et va au-delà. »

Les équipes de compliance empilent les casquettes. Ils sont responsables de la conformité et du contrôle internes. Egalement, ils sont évaluateurs des risques financiers et juridiques, garants des codes éthiques, experts en réglementation internationale. Enfin, ils sont chargés de la lutte contre la corruption, le blanchiment d’argent ou la concurrence déloyale… « Le « compliance officer » est à la fois conseiller et contrôleur, sans être censeur», résume Blandine Cordier-Palasse. Elle a le statut de « managing partner » de BCP Corp. Executive Search. Elle a cofondé en 2010 le Cercle de la compliance, pour mieux faire connaître cette fonction venue du monde anglo-saxon. Le Sarbanes-Oxley Act de 2002 et le UK Bribery Act de 2010 ont entériné les craintes des entreprises contre les risques de sanctions de plus en plus lourdes contre les fraudes.

« Les sociétés françaises qui travaillent à l’international peuvent être soumises aux règles très strictes du FCPA, la loi américaine de lutte contre la corruption de fonctionnaires étrangers alors même qu’elles ne sont pas présentes sur le territoire américain», explique Catherine Delhaye. « La méconnaissance de ces textes ne leur permet pas de mettre en place les mesures qui s’imposent pour prévenir toute violation de cette loi. Cela peut ainsi les conduire à s’exposer à des risques juridiques extrêmement sérieux. Et la situation peut encore s’aggraver si la loi française trouve à s’appliquer. »

Des « compliance officers » en lien direct avec le dirigeant

Comment devient-on « compliance officer » ? « Des formations universitaires en éthique des affaires sont apparues mais ne sont pas obligatoires : ce métier nécessite une expérience professionnelle ayant sensibilisé au management, aux risques et au business», constate Blandine Cordier-Palasse. « Pour cette charge, ce sont surtout les qualités humaines qui sont requises», renchérit Catherine Delhaye : les sens de la communication, du leadership, de l’empathie et de la pédagogie. Le profil courant est celui de juriste spécialisé dans le business, la gestion d’actifs et les régulations internationales, avec au moins dix ans d’expériences professionnelles. Nadia Torte associée du cabinet de chasseur de têtes Singer & Hamihon, cite cependant le cas d’un expert-comptable recruté pour son passé dans l’inspection générale.

Les recruteurs estiment désormais la rémunération annuelle d’un « compliance officer » à environ 100.000 euros. Mais le salaire est une fausse problématique pour Blandine Cordier-Palasse: ce qui prime, c’est son positionnement dans la hiérarchie. « La légitimité vient du rattachement direct au président ou au directeur général, indépendant ou non de la branche juridique. » Elle estime par ailleurs que le « compliance officer » participe à une nouvelle culture d’entreprise. « Il contribue à faire adhérer les salariés au système de valeurs décidé par l’entreprise, et à sécuriser celle-ci et la nouvelle génération de dirigeants devant un système de plus en plus complexe. »