Interview par Blandine CORDIER-PALASSE, Comité Scientifique, Grand Prix de la Transparence
Depuis 2009, les Grands Prix de la Transparence récompensent la qualité de l’information des sociétés du SBF 120. Cette qualité est fondée sur quatre piliers : accessibilité, précision, comparabilité et disponibilité.
Pourquoi la transparence ? Parce que selon le Comité scientifique des Grands Prix, elle est « un facteur de valorisation durable de l’entreprise ». Une information fable, didactique et moins austère, permettrait en effet d’améliorer la confiance de toutes et tous en entreprise.
95 993, c’est le nombre de données collectées en 2021 pour évaluer le niveau de transparence de 141 sociétés de droit français sur 465 supports d’information (document d’enregistrement universel, brochure de convocation, charte éthique, rubrique investisseurs du site internet). Il en ressort que les sociétés du SBF 120 enregistrent un score de transparence moyen de 43 % en 2021, contre 39 % un an auparavant. La transparence gagne donc du terrain et ce, sur tous les fronts !
En effet, les chartes éthiques enregistrent quant à elles une progression de +11 points de leur score de transparence en 2021 à 37,7 %. Leur niveau de transparence reste en retrait par rapport à des documents plus matures. Les efforts menés par les entreprises en la matière méritent toutefois d’être soulignés. Ainsi, le Grand Prix de la Charte éthique 2021 revient à Bureau Veritas. La note de transparence s’élève à 64,1 %. L’entreprise a mis à jour sa charte en 2020. Cette charte intègre notamment des cas pratiques et des renvois vers d’autres documents et procédures éthique/conformité.
Le prochain défi pour les équipes éthique et conformité ? Renforcer la pédagogie et la clarté de leurs documents pour améliorer la compréhension des équipes et l’adoption des meilleurs réflexes. Ainsi, pourquoi pas… détrôner les documents d’enregistrement universels sur l’autel de la transparence !
Interview
Blandine Cordier-Palasse Fondatrice de BCP Partners, cabinet de recrutement et conseil en gouvernance, et membre du Comité scientifique des Grands Prix de la Transparence.
Qu’évoque pour vous le mot « transparence » ? Pourquoi s’agit-il d’un enjeu clé pour les entreprises ?
L’enjeu de la transparence, c’est la confiance. C’est le fait que les parties
prenantes de l’entreprise – de plus en plus étendues – puissent avoir confiance dans les relations qu’elles ont avec elle, ses dirigeants et l’ensemble de ses collaborateurs. Derrière cette notion de confiance, il y a l’enjeu de fournir une information fiable et vérifiable. Attention toutefois à ne pas confondre transparence, confiance et secret des affaires.
La notion de transparence est cruciale. Elle a énormément évolué au cours des dernières années en lien avec l’engagement de plus en plus important des instances de gouvernance. A cela s’ajoute la prise de conscience de l’importance des sujets liés à l’éthique et à la conformité, etc…
D’ailleurs, 70 sociétés du SBF 120 s’intéressent à la transparence.
Quels ont été les constats clés ou les points de discussion les plus forts cette année au sein du Comité scientifique des Grands Prix de la Transparence ?
Ce qui nous a particulièrement marqués, c’est la montée en puissance considérable de l’information extra-financière. Elle est d’ailleurs reflétée dans les critères d’évaluation de l’information d’entreprise. L’enjeu est de pouvoir fournir une information cohérente, claire et la plus complète possible en la matière tout en pondérant la complexité des critères. Le développement du rapport intégré a beaucoup joué dans la nécessité de développer la transparence sur ce type d’information.
Les investisseurs eux-mêmes y sont de plus en plus attentifs. Ils évaluent désormais l’entreprise davantage sur la qualité de l’information extra-financière que sur l’information financière, où toutes les sociétés sont finalement à égalité en matière d’information délivrée. Maintenant, l’enjeu pour les entreprises est d’identifier les bons critères, en fonction de leur niveau de maturité, de l’engagement de leurs dirigeants et de leur exposition aux risques de plus en plus variés et complexes.
Concernant les chartes éthiques, quelles bonnes pratiques avez-vous relevées cette année qui pourraient inspirer d’autres entreprises ?
Plus de 90 % des sociétés du SBF 120 disposent désormais de chartes éthiques. Dix ont ainsi été mises à jour dans les deux dernières années. Ces chartes évoluent vers plus de pédagogie avec des exemples de situations ou comportements vertueux ou sanctionnables, des cas pratiques d’aide à la bonne décision, des graphiques et infographies. C’est un bon point qui souligne l’importance de l’éthique dans l’information globale de l’entreprise. Parmi les évolutions marquantes, je note les pratiques en matière de dispositif d’alerte. Ainsi, 65 % des sociétés présentent leur procédure d’alerte dans la charte éthique. Près de 30 % précisent qu’elle est ouverte aux collaborateurs externes.
Un axe de progrès repose sur la dimension sanction. A peine 26 % des chartes comportent une rubrique définissant les sanctions en cas de manquements. Or, il s’agit d’un élément important de la réalité et de la mise en application des engagements éthiques en entreprise. Enfin, seuls 18 % des groupes présentent la gouvernance de l’éthique dans leur charte. Il est essentiel de faire évoluer ce point, car c’est un élément clé de gouvernance plus globale. L’éthique se positionne de plus en plus haut au niveau de l’organisation, ce qui est une excellente nouvelle. Il faut l’encourager.
Quelles sont les nouvelles frontières pour les Chartes éthiques ?
Les thématiques abordées traditionnellement dans ces documents sont les
droits humains, la lutte contre la corruption, la protection des données, l’environnement et la promotion de la diversité et l’inclusion. Un sujet moins souvent abordé, mais qui est – à notre sens – particulièrement important dans le contexte actuel est celui de la cybersécurité et du respect des programmes de sanctions économiques.
J’aimerais conclure en soulignant que deux mots reviennent souvent dans ces documents : la responsabilité et le courage. Effectivement, ce sont deux notions indissociables de l’éthique et de la conformité et donc de la transparence et de la confiance. D’ailleurs, plus de 40 % des entreprises préconisent la tolérance zéro sur ces sujets.