Par Blandine CORDIER-PALASSE, Journal du Management Juridique n°82 p.69

La crise sanitaire et économique n’a fait que renforcer la responsabilité sociale et sociétale des entreprises.

Dans le cadre de notre activité, nous avons interrogé des directeurs généraux, des présidents de conseild’administration, de comité d’audit, de comité d’éthique et RSE de taille et de secteurs d’activité variés sur le rôle des instances de gouvernance dans la compliance de l’entreprise. Ils sont unanimes pour affirmer que la compliance est devenue un enjeu de gouvernance. La transformation culturelle de leur entreprise passe avant tout par leur propre transformation.

L’objectif des instances de gouvernance, c’est d’assurer à l’entreprise une croissance solide tant sur le court que sur le long terme.

On sait que le conseil d’administration détermine la stratégie. Il donne également les moyens à la direction générale de la mettre en œuvre.

Le conseil a donc une place essentielle dans la prévention, la détection et l’appréhension des risques. Il joue un rôle clé dans la définition et le déploiement à tous les niveaux de l’entreprise de sa culture, son éthique, ses valeurs. On se souvient de l’administrateur d’Uber qui a dû démissionner après une remarque sexiste. Cela a permis à l’entreprise de reconstruire son image et sa réputation.

A travers leur double rôle d’orientation et de contrôle, les administrateurs ont non seulement le pouvoir, mais surtout le devoir de veiller, notamment avec le relais technique de comités spécialisés tels que le comité d’audit, à la conception et l’efficience des diverses mesures de conformité devant être mises en place par le management opérationnel.

On le constate dans les recrutements que nous conduisons pour les groupes non plus seulement dans les secteurs réglementés mais aussi
désormais dans les autres secteurs. L’une des clés de la mise en œuvre d’un tel changement passe par la nomination d’un « Chief compliance officer ». Ce dernier a acquis une expérience opérationnelle très solide pour assumer le rôle de véritable chef d’orchestre. Il joue ainsi la partition du Comex dont le tempo est donné par le Conseil d’administration.

Le group compliance officer peut ainsi contribuer à démontrer que les risques de non compliance sont identifiés et maîtrisés. Il peut aussi démontrer que le programme est robuste, efficient. Son rôle est d’informer les parties prenantes des mesures prises par l’entreprise. L’objectif est de prévenir et détecter les défaillances, les délits ou les risques de délits. Il peut aussi témoigner du fait que la culture de l’éthique et de la compliance est devenue une valeur d’adhésion et d’exemplarité.

Comme le souligne Philippe Montigny, les dirigeants sont de plus en plus conscients du fait qu’introduire les problématiques de compliance dans les travaux des Conseils et les Comex/Codir, c’est protéger l’entreprise de lourdes sanctions affectant sa rentabilité. Il s’agit surtout se donner les moyens de construire sa compétitivité durable fondée sur une exigence constante d’innovation et de réponse rapide aux attentes du marché.

On recrute des compliance officers qui comprennent le business et les rouages de l’entreprise. Ils savent interagir de manière transverse et matricielle avec toutes les directions opérationnelles et fonctionnelles pour évaluer les risques opérationnels, juridiques, financiers et extra financiers.

Ces group compliance officers très solides ont aussi le courage d’apporter un éclairage pragmatique et critique aux instances de gouvernance. Ces échanges nourris et challengeants leur permettent de réfléchir sur la stratégie, la confirmer ou la réorienter en fonction des évolutions législatives, réglementaires, normatives internationales à venir qui pourraient avoir un impact sur le business en prenant en compte les attentes des parties prenantes. Ils peuvent ainsi anticiper les évolutions voire les disruptions requises. Cela leur permet de prendre une longueur d’avance sur les concurrents, les marchés, les attentes des parties prenantes.

Passerelles entre culture d’entreprise, valeurs et vision

Le Conseil doit donc définir une charte de gouvernance. Il doit s’accorder sur des valeurs et visions communes. Le Conseil s’occupe de choisir la stratégie mais également les dirigeants capables de la mettre en œuvre.

Comment réussir un tel challenge ?

En établissant des passerelles et en encourageant une coopération permanente, globale, transversale et matricielle, interculturelle et interdisciplinaire. Il est temps d’associer compliance et culture. C’est une combinaison a priori moins évidente et pourtant essentielle à la bonne gouvernance et à la pérennité de l’organisation. A cela s’ajoute le sentiment d’appartenance, à la création de valeur. Nourrir une relation forte des acteurs de la compliance avec le conseil d’administration leur permet de jouer leur rôle protecteur de l’entreprise. Cela leur permet aussi de donner un sens à l’action et rassurer les parties prenantes.

Résultat : une organisation plus solide, plus agile à relever les défis et gagner dans un monde qui bouge. L’objectif est d’en préserver l’image, la réputation et donc sa compétitivité, sa valeur et son attractivité.