Par Delphine IWEINS, Actuel Direction juridique
La construction d’une solide réputation et la promotion d’une image responsable occupent une place de plus en plus importante dans la stratégie des entreprises. Les dispositifs de conformité constituent alors des outils clés pour répondre à ces besoins.
Évoluant dans un environnement complexe, composé d’opportunités et de risques, les entreprises doivent se construire une réputation solide, en mettant en place, par exemple, un programme de compliance. En l’absence de réglementations nationales uniformes encadrant les contenus de tels programmes, les sociétés françaises s’inspirent très largement des règles étrangères anti- corruption. Elles démontrent ainsi leur capacité à adapter leurs activités à ces exigences de conformités, issue d’une mentalité common law assez éloignée de notre droit positif.
Pratiquer la compliance pour « booster » ses atouts
Pourtant, au vu des récentes condamnations du ministère de la justice américaine, toutes les entreprises n’ont pas encore pris conscience de la nécessité de mettre en place un programme de compliance. Et même lorsque c’est le cas, les dirigeants se montrent souvent hésitants devant le coût d’une nouvelle organisation. « Le programme de compliance ne doit pas être perçu comme un coût mais comme une opportunité d’innover, d’améliorer le management de l’écosystème, la chaîne de valeur, la performance globale de l’entreprise. Un tel engagement contribue à la pérennité de l’entreprise », défend Blandine Cordier-Palasse, vice-présidente du Cercle de la compliance.
En effet, c’est le cas pour ceux qui la pratiquent. La mise en place d’un programme de compliance garantit le respect des attentes des différents interlocuteurs de l’entreprise. Il s’agit notamment du fournisseur au client final. Les procédures de contrôles issues de ce programme ont pour mission, avant tout, d’améliorer la rentabilité de l’entreprise. Elles visent aussi à améliorer la sécurité de ses activités. L’enjeu n’est pas l’absolue conformité à l’ensemble des réglementations existantes. L’enjeu est leur compréhension et leur adaptation à la stratégie de l’entreprise. « La compliance permet de sécuriser les opérations, en augmentant la responsabilisation des dirigeants et des opérationnels dans la façon dont ils appréhendent le business », confirme Blandine Cordier-Palasse, également fondatrice du cabinet BCP Executive Search.
Une matière à la croisée des chemins des directions de l’entreprise
Une bonne politique de compliance doit reposer sur une cartographie complète des risques encourus par l’entreprise. Elle est vivement recommandée pour prévenir la corruption – privée ou publique, active ou passive.
Depuis 2010, l’Autorité de la concurrence française a détaillé les 5 piliers sur lesquels doivent reposer les politiques de conformité des entreprises pour être efficaces :
- un engagement public de l’entreprise ;
- l’existence de relais et d’experts internes à la société ;
- une large diffusion du programme. A cela s’ajoute une sensibilisation auprès des mandataires sociaux, dirigeants, cadres, et tous les salariés concernés de l’entreprise ;
- la mise en place de mécanismes de contrôle et d’alerte ;
- et enfin, l’instauration d’un mécanisme de suivi dont dépend le succès du programme.
Pour cela, elle nécessite donc la constitution d’une équipe chargée de la mettre en place et de la gérer. De qui se compose-t-elle alors ?
« Idéalement, la compliance doit être rattachée au plus haut niveau de l’entreprise. Elle ne consiste pas uniquement à assurer le respect des lois et des normes. Cela consiste plutôt à évaluer et manager le risque juridique, pénal, financier et extra-financier. A cela s’ajoute une vision globale et transversale, et à préserver son image et sa réputation », développe Blandine Cordier-Palasse.
En théorie, la compliance se situe ainsi au milieu de l’éthique. Elle se situe également au cœur du juridique et surtout au cœur du gouvernement d’entreprise. En pratique, de tels programmes font appel aux directions juridiques, financières, des ressources humaines etc. La conformité est pluridisciplinaire et demande l’investissement de tous les départements de l’entreprise.
Mais tout va dépendre, en réalité, de la structure de l’entreprise. Certains dirigeants préfèrent rallier la compliance à la direction juridique, tandis que d’autres vont créer un nouveau département entièrement dédié. Une position aussi privilégiée par la Commission européenne qui, depuis son rapport « Compliance matter-What companies can do better to respect EU competition rules », incite les acteurs économiques à recourir à des programmes de conformité singulier et unique.